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      En feuilletant la revue ANORAA de nos amis Officiers, j'ai découvert quelques pages écrites en anglais dont le contenu était passionnant. Aussi je me suis mis à la traduction pour vous en faire profiter. Je demande l'indulgence du jury car je suis un peu rouillé.

 

SR-71 ejection à mach 3.18 et 78000 feets de Bill Weaver

Chef pilote d'essai de Lockheed

 

Entre pilotes professionnels, il y a un vieux proverbe mais excellent : voler c’est simplement des heures d’ennui ponctuées par des instants de frayeur solitaire. Je ne me souviens pas  trop des nombreuses périodes d’ennui durant mes 30 années de carrière chez Lockheed, passées pour la plupart comme pilote essayeur.  De loin, le vol le plus mémorable eut lieu un 25 janvier 1966.

Jim Zwayer, un spécialiste pilote d’essai et moi, nous étions en  évaluation  du  SR 71 Blackbird à partir d’Edwards. Aussi, nous  testions  la procédure appelée réduction  de la trainée pour améliorer la performance en croisière à hauts Machs. Le dernier vol impliquant  le recul du centre de gravité (CG)  plus loin que la normal, réduisait la stabilité longitudinal du blackbird.

Nous avons décollé d’Edwards à 11h20 du matin et accompli la première partie de la mission sans incident. Après ravitaillement auprès d’un tanker KC-135, cap à  l’est, nous accélérons jusqu’à une vitesse de croisière de mach 3.2 et grimpons à 78000 ft, nos paramètres initiaux de vol.

Après plusieurs minutes de vol, le système de contrôle automatique de l’entrée d’air du réacteur droit fonctionne mal et nécessite une commutation en manuel. La configuration de l’entrée de l’air est automatiquement ajustée durant le vol supersonique pour décélérer le flux d’air dans la veine, le maintenant à une vitesse subsonique avant d’atteindre le réacteur. Cela est accompli par le déplacement du cône en translation et  le réglage des clapets de by-pass.

Normalement ces actions sont programmées automatiquement  en fonction du nombre de mach, en positionnant l’onde de choc de l’air, qui devient subsonique, à l'entrée des turbines de façon à optimiser la performance optimale du réacteur. Sans  action correcte, il peut résulter des perturbations de l'écoulement de l'air, qui expulsent l’onde de choc vers l'avant de l'entrée d'air, provoquant un phénomène connu d'étouffement supersonique.

Cela cause instantanément une perte de poussée du réacteur, des bruits de détonation et un violent louvoiement, tel un train en train de dérailler. Les unstarts ne  sont pas rares à ce moment du développement du SR-71, mais un fonctionnement convenable du système devait permettre de repositionner  l’onde de choc et de revenir à une situation normale.

Sur le plan de vol test planifié, nous  engagions un virage à droite à 35 deg. Un unstart soudain  a lieu sur le réacteur droit, forçant l’appareil  à tourner d’avantage à droite et à commencer un cabré.  J’ai  poussé le manche aussi loin à gauche et droit devant qu’il pouvait de déplacer. Pas de réponse,  j’ai instantanément su que nous étions partis pour une mauvaise passe. J’ai tenté de dire à Jim ce qui nous arrivait et de rester dans l’avion jusqu’à ce que nous gagnions une altitude et une vitesse plus basses. Je ne pensais pas que les chances de survie à une éjection à mach 3.18 et à 78000 ft soient très bonnes.  La force des G croissent si rapidement  que mes mots devinrent déformés et inintelligibles, comme l’a confirmé plus tard le cockpit voice recorder.

Les effets cumulés du mauvais fonctionnement des systèmes réduisent la stabilité longitudinal, accentuent l’angle d’attaque de virage. La vitesse supersonique,  la haute altitude et  autres facteurs imposent  des forces sur l’avion qui dépassent  le contrôle de vol pleine autorité et  la capacité du système à  rétablir la stabilité. Chaque chose semble se dérouler au ralenti. J’ai appris plus tard, que le temps entre ne fut que de 2 à 3 secondes. Toujours, essayant de communiquer avec Jim, J’ai perdu connaissance, succombant aux forces G extrêmement élevées.

Le SR-71 s’est littéralement désintégré autour de nous. A partir de là, j’étais juste dans mon vol et mon  souvenir suivant était semi-conscient de faire un mauvais rêve. Je méditai que j’allai me réveiller et aller au mess. Petit à petit,  j’ai repris conscience, j’ai réalisé que ce n’était pas un rêve. Que tout ce qui était arrivé était réel. Ce qui était inquiétant, parce que je ne pouvais pas avoir survécu à ce qui venait d’arriver.

Je devais être  mort. Puisque je n’avais pas de bonnes sensations juste un sentiment détaché d’euphorie, j’ai décidé qu’étant mort ce n’était pas aussi mal après tout. Comme je retrouvais ma pleine conscience,  j’ai réalisé que je n’étais pas mort. Mais d’une manière ou d’une autre j’avais  été séparé de l’avion. Je n’ai aucune idée de  comment cela a pu arriver ; je n’avais pas amorcé d’ éjection. Le bruit de l’air sifflant et de bandes claquant dans le vent, confirma que j’étais en train de tomber, mais je ne pouvais rien voir. Mon casque a  gelé et je regardais une couche de glace. Ma combinaison était gonflée, tel que j’ai su que la bouteille d’urgence d’oxygène du kit  attachée à mon siège  harnais de parachute fonctionnait. Ce n’est pas simplement une fourniture d’oxygène respiratoire, mais aussi une -pressurisation qui empêche le sang de bouillir aux très hautes altitudes. A cet instant, je ne l'avais pas encore appréciée, mais la combinaison pressurisée fournit aussi une protection physique contre les intenses vibrations et les G. Ma combinaison pressurisée est devenue ma capsule d’éjection.

Mon inquiétude suivante était au sujet de mes mouvements de chute stables ou désordonnés.  A haute altitude, la densité de l’air est insuffisante à contrer les mouvements de pirouettes  du corps et la forte force centrifuge peut causer rapidement des blessures physiques. Pour cette raison, le système du parachute du SR-71 est réglé pour automatiquement déployer un petit diamètre pour stabiliser la chute après l’éjection et la séparation du siège. Puisque je n’avais pas intentionnellement activé le système d’éjection et ainsi assumé toutes les fonctions automatiques dépendantes de ma propre éjection, il était évident que le stabilisateur de chute n’était pas déployé.

Toutefois, j’ai très vite déterminé que je chutais verticalement et non en rotation. Le petit stabilisateur devait avoir été déployé et faisait son job.  Mon inquiétude suivante : le parachute principal, qui est programmé pour s’ouvrir automatiquement à 15000 ft. Je n’avais aucune assurance que la fonction d’ouverture automatique veuille bien fonctionner.

Je ne pouvais pas estimer mon altitude, parce que je ne pouvais toujours pas voir à travers la glace de la visière du casque. Il n’y avait pas de moyen de savoir combien de temps j’allais rester aveugle et combien de distance j’avais chuté. J’ai recherché la boucle d’activation manuelle d’ouverture, mais avec ma combinaison gonflée et mes mains engourdies par le froid, je n’ai pu la localiser. J’ai décidé que je ferai mieux d’ouvrir ma visière, estimant être proche du sol, et ainsi localiser cet anneau. Juste comme j’attrapais ma visière, j’ai ressenti une rassurante et soudaine  décélération due à l’ouverture du parachute principal.

 J’ai soulevé la visière gelée et découvert que son blocage haut était cassé. Utilisant une de mes mains pour la tenir haute,  j’ai vu que je descendais à travers la clarté d’un ciel d’hiver à la visibilité illimitée. J’étais grandement soulagé de voir le parachute de Jim descendant à  environ un quart de mile plus loin.

Je n’ai pas pensé à autres choses que nous ayons pu survivre à l’éclatement d’un avion, tant la vue de Jim lui aussi rescapé, fit grandir mon moral…J’ai pu voir aussi une épave brulant sur la terre à quelques miles d’où nous allions atterrir. Le terrain n’était pas engageant du tout, un plateau désolé avec des plaques de neige et sans signe d’habitation.

J’ai essayé de tourner le parachute  et de regarder vers les autres directions. Mais avec une main dédiée à la tenue de la visière en haut et l’autre engourdie par la température en dessous de zéro de la haute altitude, je n’ai pas pu manipuler les suspentes assez pour tourner, avant la destruction nous avions démarré un virage dans le N M, Colorado, Oklahoma,limite Texas.

Le SR-71 a un rayon de virage d’environ 100 miles à cette vitesse et altitude, aussi je n’étais pas sûr dans quel Etat nous allions nous poser. Et comme il était 3 h pm, j’étais certain que nous passerions la nuit dehors ici.

A 300 ft environ au-dessus du sol, j’ai détaché le kit de survie en tirant la poignée et en m’assurant qu’il soit toujours relié à moi par une longue sangle.

Se libérer de son poids rassure,  je n’ai pas voulu atterrir avec  lui attaché à mes arrières,  Il pouvait me briser une jambe ou me causer d’autres blessures. J’ai alors essayé de me rappeler les objets  de survie qui sont dans ce kit, de même que les techniques qui m’avaient été enseignés dans les cours de survie.

Regardant en bas, j’ai été effrayé  de voir  un relativement gros animal peut-être un daim directement en dessous de  moi. Evidemment, il était autant effrayé que je l’étais  car il décolla littéralement dans un nuage de poussière.

Mon tout  premier touché en parachute a été relativement doux. Je me posais sur un sol relativement meuble, manœuvrant pour éviter pierres, cactus.  Ma voile était encore et encore ondulante dans le vent. Je m’efforçais de l’affaler avec une main, tenant en haut  la visière toujours gelée avec l’autre. « Puis je vous aider » dit une voix. Qu’étais-je en train d’entendre ? Ce devait être une hallucination. Alors j’ai levé les yeux et j’ai vu un type marchant vers moi, coiffé d’un chapeau de cowboy. Un hélicoptère était en attente derrière lui. Si j’avais été à Edwards et prévenu l’unité de recherche et sauvetage  une équipe ne pourrait pas  avoir été envoyée aussi vite que l’avait été un pilote cowboy.

Ce monsieur était Albert Mitchell Junior, propriétaire d’un vaste ranch de gros bétail dans le nord-est du Nouveau Mexique.  J’avais atterri à environ 1.5 mi de la partie habitation du ranch et d’un hangar pour son hélicoptère Hughes à 2 places.  Stupéfait de le voir, j’ai répondu que j’avais un léger problème avec ma voile. Il marcha dessus, l’attrapa et l’arrima avec plusieurs pierres. Il avait vu Jim et moi flottant vers le bas et avait averti par radio la patrouille de l’autoroute du N M, l’Air Force et le plus proche hôpital. M’extrayant moi-même de mon harnachement de parachute, j’ai découvert la source de ces bruits de bandes battantes entendues au cours ma descente. Ma ceinture de siège et mon harnais d’épaule étaient toujours positionnés autour de moi, brélés et verrouillés.

La bande de ceinture avait été tailladée sur chaque côté de mes hanches, où elles sont alimentées par les enrouleurs moletés d’ajustement. Le harnais d’épaule avait été tailladé de la même manière tout le long de mon dos. Le siège éjectable n’avait jamais quitté l’avion. J’avais été arraché à l’extérieur par les forces extrêmes, avec la ceinture de siège et le harnais toujours verrouillés.

 J’ai aussi noté qu’un des deux circuits qui fournissent l’oxygène pour pressuriser ma combinaison avait été perdu et l’autre était à peine accroché. Si le second s’était détaché  à haute altitude la dépressurisation de ma tenue ne m’aurait fourni aucune protection. Je savais que la fourniture d’oxygène était critique pour la respiration et la pressurisation de la combinaison, mais je n’avais pas  expérimenté combien  était importante la protection physique apportée par le gonflement.  Cette combinaison résistant aux forces capables de désintégrer un avion et de déchiqueter les ceintures nylon de siège, de plus me laisser avec seulement quelques contusions et un minime coup du lapin était impressionnante. J’ai grandement apprécié avoir ma petite capsule d’éjection.

Après m’avoir aidé avec ma voile, Mitchell dit qu’il va s’occuper de Jim. Il remonta dans son hélico, vola sur une courte distance et revint environ 10 minutes plus tard avec des nouvelles catastrophiques : Jim était mort. Apparemment, il a été victime d’une rupture des vertèbres cervicales durant la désintégration de l’avion et a été tué sur le coup. Mitchell dit que son contremaitre est en train d’arriver pour garder le corps de Jim jusqu’à la venue des autorités. J’ai demandé à voir Jim, après avoir vérifié que rien d’autre ne pouvait être fait, j’ai accepté de laisser Mitchell m’emmener par air vers l’hôpital, à environ 60 mi vers le sud. J’ai d’assez bons souvenirs vivants de ce vol en hélico.  Je ne sais pas  beaucoup de choses sur les hélicos, mais je sais  beaucoup de choses sur les «  lignes rouges », et Mitchell garda la vitesse au-delà de la ligne rouge tout au long du trajet.  Le petit hélicoptère vibrait et secouait beaucoup plus qu’il était  autorisé.  J’ai essayé de rassurer mon cowboy pilote que je me sentais bien. Il n’avait pas de besoin de foncer. Mais dès qu’il a eu prévenu la direction de l’hôpital de notre arrivée, il insista pour me déposer aussi vite que possible. J’en avais pas besoin et je pensais  combien c’était ironique de vouloir survivre seulement à un crash qui m’était arrivé et non dans l’hélico qui était venue à mon secours.

Quoiqu’il en soit, nous fîmes route, avec sécurité et rapidité vers l’hôpital. Vite j’ai pu prendre contact  avec le bureau d’essais en vol de Lockheed à Edward. L’équipe de test l'avait averti au début de la perte de contact radio et radar, et ensuite de la perte de l’avion. Connaissant les telles conditions de vol, ils présumaient que personne ne pourrait avoir survécu. J’ai expliqué ce qui était arrivé, décrivant dans des détails relativement précis les conditions de vol précédent la destruction.

Le jour suivant, notre profil de vol fut répété sur le simulateur à Beale AFB. L’issue fut identique. Des mesures furent immédiatement prises pour prévenir le renouvellement de notre accident. Le test de  CG au-delà des limites normales cessa et les questions du  trim-drag furent résolues par la suite  avec des moyens aérodynamiques. Les systèmes de contrôle des entrées d’air furent continuellement améliorées et ce avec le développement postérieur du Contrôle automatique de vol  et  des entrées d’air, l’extinction du réacteur devint rare.

L’enquête de notre accident révéla que la section du nez de l’avion s’était cassée à l’arrière du cockpit et crashé à environ 10 mi de la partie principale de l’épave. 

Des morceaux furent éparpillés sur une surface approximativement de 15 mi de long sur 10 mi de large. Le poids de l’air extrêmement élevé et la force centrifuge positive et négative, nous avaient littéralement arrachés  Jim et moi hors de l’avion. Incroyablement une chance inouïe est la seule explication de mon éjection relativement indemne de la désintégration de l’avion.

Deux semaines après l’accident, j’ai fait mon retour dans un SR-71 en faisant le premier vol d'un nouvel oiseau flambant neuf de Lockheed à Palmdale et ce test facile fut mon premier vol depuis l’accident, aussi ce vol de test  en place arrière fut probablement fait avec une petite appréhension relative à mon état de sérénité et de confiance.

Comme nous roulions sur la piste pour décoller. J’ai entendu une voix anxieuse venant de l’interphone

« Bill ! Bill !! es- tu là?”

« Oui, George. Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Dieu merci ! J'ai cru que tu m'avais laissé tomber? »

Le cockpit du SR-71 n’a pas de visibilité arrière seulement une petite fenêtre de chaque côté et George ne pouvait pas me voir. Une grosse lampe rouge sur le tableau d’alarmes principales à l’arrière du cockpit  s’était allumée juste comme nous étions au décollage, indiquant « éjection pilote ». Heureusement, la cause était un mauvais fonctionnement d’un micro switch et non mon départ.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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